Gaspard et l’arche de Noël / Aldebert

Voici un album jeunesse à partir de 7 ans qu’on peut lire à l’enfant mais qu’on peut surtout écouter. L’histoire de Gaspard est racontée par Aldebert, et franchement, on en redemande. Le texte réparti sur 48 pages est long pour des lecteurs débutants. Il peut être lu seul plutôt à partir de 9 ans, ou un peu avant pour les bons lecteurs. Quant à la version audio, elle dure 28 minutes.

Dans la famille Bonifarce, présentée sur une double-page au début, il y a les 3 enfants, Gaspard, Justine et Titouan, sans oublier le chien, Raymond. Il y a les parents, Gladys et Eric. Et dans cette aventure, il y a Papi et Mamie Bo’, vétérinaires à la retraite, qui ont un secret bien caché dans leur cave. C’est d’ailleurs en suivant son grand-père au sous-sol que Gaspard découvre ce surprenant secret qui va mener toute la famille dans une incroyable aventure.

Si l’histoire se passe au moment des fêtes de Noël, ce n’est pas le thème principal du livre. Il est davantage question de protection des animaux et plus généralement de la nature. Bien qu’en voyant le manteau de Papi Bo’ j’ai cru qu’il y avait une histoire de Père-Noël caché. Mais peut-être était-ce pour brouiller les pistes ! Bien joué ! Cet opus est teinté de solidarité et truffé d’humour. On ne s’ennuie pas une minute.

L’album est illustré par Florent Bégu et mis en couleurs par Dayan Dewaele. C’est très coloré et réussi. Il fait partie de la collection « Histoires extraordinaires ». Un QR code à l’intérieur du livre permet d’accéder à la version audio disponible sur les plateformes de streaming. La mise en voix apporte une réelle plus value à l’album.

Je remercie Babelio et Glénat jeunesse pour cette masse critique totalement de saison, à glisser sous le sapin ! 

Note : 4.5 sur 5.

En finir avec les jours noirs / Effie Black

Jessica fait des recherches en psychologie à Londres. Elle étudie le comportement des animaux pour essayer de faire des parallèles avec les humains. Elle s’intéresse plus particulièrement au suicide. Son père ayant raté le sien grâce ou à cause d’elle quand elle était petite. Elle a grandit dans un environnement familial violent et traumatisant du fait de son père. Puis son colocataire à la fac se suicide également.

Elle est en couple avec une femme qu’elle aime. Leur relation semble stable et durable. Mais la question de la maternité fait vaciller Jessica. Elle ne veut pas d’enfants et elle ne veut pas imposer son choix à sa compagne. On la suit dans ses questionnements, sa quête de sens et c’est un personnage attachant.

Entre les différents chapitres ou souvenirs de la jeune femme, se trouvent des textes plus courts, en italique, titrés « Un jour noir ». On assiste à l’enterrement d’une personne proche de la narratrice dont l’identité n’est pas révélée tout de suite.

Un texte fort, sensible et une très belle écriture pour un sujet qui semble certes plombant mais qui est écrit avec un certain humour et de la résilience.

Je remercie VLEEL et les éditions du Gospel pour cette belle découverte littéraire.

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Adrien Durand

Note : 4.5 sur 5.

Incipit :
« Une femme blonde qui, j’en suis presque sûre, a dit s’appeler Amy, tout en ressemblant davantage à Anne, pose un regard interrogateur sur nos sièges sagement alignés.
« Qu’est-ce que le mot résilience veut dire pour vous ? » demande-t-elle.
Personne ne dit rien. Elle recommence à marcher, lentement, en long et en large dans la pièce.
« Sentez-vous libres d’intervenir. » Tout le monde se sent libre. Mais personne n’intervient.
« Quelqu’un ? »
Personne. »

« Les succès d’Adam et Beth dans leurs entreprises suicidaires ont eu une influence significative sur ma vie et mon travail. Mais c’est avant tout mon expérience précoce d’un suicide raté qui m’a le plus marquée, qui a induit ces sentiments que je garde pour moi, celui en particulier lié à l’idée que le suicide est parfois la chose naturelle à faire pour épargner ceux que l’on aime. La bonne chose à faire. Mon père, cet échec dans tous les sens du terme, est ma grande inspiration. »

Le jardin de Georges / Guénaëlle Daujon

Georges Delaselle découvre en 1897 l’île de Batz en Bretagne. Il imagine un jardin avec des espèces venues des quatre coins du monde. Ce rêve, il le poursuit toute sa vie. Guénaëlle Daujon retrace la vie de cet homme passionné par les plantes.

J’ai aimé suivre le rêve fou de Georges. L’air de rien on traverse une partie de l’histoire du 20ème siècle avec notamment la 1e et la 2nde guerre mondiale. On se promène dans Paris aussi.

Les descriptions de l’île et des plantes par les sens permettent une véritable immersion dans le jardin de Georges Delaselle. L’autrice est bien documentée et retrace fidèlement ce projet incroyable. Autant vous prévenir que vous allez avoir envie de vous rendre dans ce lieu.

Si vous aimez les biographies romancées ou si vous êtes passionné de botanique, ou tout simplement amoureux de la nature et de la Bretagne, ce livre devrait vous plaire !

Ce roman figure parmi les 5 finalistes du Prix Hors Concours 2025 !

Note : 4 sur 5.

Incipit :
« Cette histoire a grandi comme une graine dans sa membrane. Certains partent en exil avec un peu de terre dans leurs valises, moi, c’est elle que j’ai emmenée. Née dans l’humus de ma vie d’avant, c’est une histoire qui contient, en germe, la vie d’après. »

« Allongé dans son pyjama de soie, Georges, à trente-six ans, n’a rien d’un aventurier. Il garde les yeux au plafond. Ses pensées traversent son esprit, flottent au-dessus de sa tête, vagabondent comme des nuages dans le ciel. Le silence emplit la maison. Un voyage, c’est un appel ; une île, une promesse. L’avenir ne serait-il pas qu’un présent à ordonner ? »

« La première fois que Georges a vu la fougère arborescente dans le jardin de Nogent, il en est tombé fou amoureux. Venue du fond des âges, cette préhistorique est la seule espèce existante depuis l’ère primaire. Datant du début du secondaire, elle existait avant les dinosaures, quand les atomes et les poussières d’étoiles n’avaient investi aucun autre corps et que le végétal régnait alors en maître. De cette lente évolution, la fougère arborescente était alors la reine. La regarder, pour Georges, c’est se relier à l’origine du monde.
Mélanie lui a offert un spécimen, un stipe de Tasmanie, un faux-tronc roux et duveteux importé directement d’Australie par ses explorateurs et émissaires. »

Nul ennemi comme un frère / Frédéric Paulin

J’ai lu le premier volume de cette impressionnante trilogie aux magnifiques couvertures pour le book club VLEEL de novembre mettant à l’honneur les éditions Agullo. Les avis sont partagés concernant ce roman noir historique. Je fais partie de la « team » qui a trouvé cette lecture difficile, surtout au début, avec la profusion de personnages. Il n’y a pas de chapitres. L’auteur passe d’une personne à l’autre, d’un pays à l’autre sans prévenir. Cela peut dérouter et nécessite une concentration. Ou il faut tout simplement accepter de ne pas tout comprendre au début et se laisser emporter par l’histoire.

Car l’histoire est prenante. Elle se déroule de 1975 à 1983. On suit les protagonistes entre la France et le Liban. A Beyrouth, la menace et la violence sont permanentes entre les bombes et les attaques. Un policier, un politicien et un diplomate font des allers-retours entre Paris et Beyrouth.

Un roman dur qui nous plonge dans la géopolitique des années 1980 et qui me permet d’être plus au fait de cette guerre civile. Entre espionnage, actes terroristes et diplomatie, l’auteur a réussi à insérer la vie de ses personnages. On a alors envie de savoir s’ils s’en sortiront.

L’écriture est presque journalistique. Certainement pour éviter de prendre parti. Les faits et les points de vue sont décrits de manière précise pour chaque camp. L’auteur insère une chronologie à la fin du livre. La somme de recherches pour écrire ce roman de 456 pages semble colossale.

N’étant pas une lectrice de polars, je ne sais pas encore si je lirai les 2 autres tomes. Merci VLEEL d’élargir encore et toujours mes horizons littéraires.

Si vous aimez les thrillers géopolitiques, celui-ci devrait vous plaire !

Note : 3 sur 5.

Incipit :
« Ô mon frère chrétien, ô mon ami druze, ô mon voisin sunnite ou chiite, ô mon hôte palestinien, vois ce pays qui est le tien. »

« La consommation de drogue a augmenté en même temps que la pratique religieuse, deux façons de tenir le coup. »

« Comment calme-t-on la colère lorsque la colère est partout, en tous, lorsqu’un pays n’est que colère ? »

La patiente du jeudi / Nathalie Zajde

Dévoré en 2 jours, je n’ai pas pu quitter Mona, le personnage principal de ce roman et la narratrice.

Mona consulte une psy car elle a des difficultés dans ses relations amoureuses. Elle cherche sa place. Elle développe des crises et se met à parler yiddish dans son sommeil alors qu’elle ne parle pas cette langue. Elle fait alors un séjour en hôpital psychiatrique.

En parallèle de l’histoire de cette jeune femme qui se passe de nos jours, il y a celle d’Avrum et Moyshé, en Pologne, en 1932. Je préfère ne pas vous en dire davantage pour ne pas gâcher votre plaisir de lecture. Sachez qu’il est question de transmission.

Ce premier roman est à la fois drôle et touchant. Nathalie Zajde est maître de conférence en psychologie et s’intéresse à l’ethnopsychiatrie avec notamment Tobie Nathan. Elle a créé de groupes de paroles pour les survivants de la Shoah. Son roman est un condensé de son expérience professionnelle et surtout l’autrice déborde d’imagination.

Encore une pépite publiée par les éditions de l’Antilope que je vous recommande.

Note : 5 sur 5.

Incipit :
« Mes crises ont commencé à l’adolescence, l’année où j’ai eu mes règles. Mes parents ont paniqué. Ma mère surtout. Elle croyait que j’avais un problème au cerveau. Il faut dire que son père est mort d’un AVC devant elle, quand elle avait dix ans. Ça l’a marquée. Pour la rassurer, j’ai dû passer une batterie d’examens dans les meilleurs services de neurologie. J’ai présenté ma tête dans toutes les positions à une foule de machines plus belles les unes que les autres, mais rien. En tout cas, rien de visible dans ma cervelle de fille unique d’un couple à problèmes. Un ami de mon père, professeur de médecine, a dit que ça pouvait être hormonal. Alors on a refait la ronde des rendez-vous à l’hôpital, cette fois, dans les meilleurs services d’endocrinologie. On m’a prélevé des litres de sang, je leur ai offert des dizaines de flacons d’urine… Résultat ? Rien à signaler ! Il ne restait qu’une solution : la psy. C’était dans ma tête mais ce n’était pas grave. Ma mère a trouvé une psychologue spécialiste des adolescents qui a reçues ensemble pendant cinq minutes, après quoi elle lui a demandé de sortir. Je suis restée seule avec elle, qui m’a posé un tas de questions. Au bout d’une heure, elle a demandé à ma mère de revenir pour lui annoncer me diagnostic : j’étais traumatisée par leur divorce… Malgré son agenda surbooké, elle acceptait de me suivre. »

« Dr Le Fur
– Je me mets où ? Je m’allonge ?
– Asseyez-vous là, en face de moi.
– ça marche ! Avant tout, il faut que je vous dise, en vrai, changer de psy, j’aime pas. C’est comme les débuts des histoires d’amour, depuis ma période d’orgies sexuelles, j’appréhende. Me dévêtir, me montrer nue pour la première fois à quelqu’un que je ne connais pas… A chaque fois, il faut s’adapter en faisant mine de rien, comme si c’était naturel. Je ne sais pas, ça peut sembler futile, mais pour moi, c’est pesant. C’est comme si, à force d’abuser, j’avais développé une réaction allergique. Me glisser dans un nouveau lit, commencer une nouvelle histoire d’amour, tout reprendre à zéro me demandent un effort terrible. »

« – Oui, tuer un nazi… Quoique, si on me donnait un flingue, je ne saurais même pas m’en servir. C’est bête !
– On n’est pas comme ça, nous autres, Juifs, on ne se venge pas…
– Ben… c’est ça le problème ! J’ai entendu une psy dire que nos morts réclamaient qu’on les venge. On aurait peut-être dû les écouter…
– Écouter nos morts ? Et tu crois à ce genre de trucs, toi ?
– Pourquoi ?
– Je ne suis pas d’accord !
– Tu préfères tendre l’autre joue ?
– Non, je ne dis pas ça, mais pour moi, la vengeance c’est pour les barbares ! De toutes les manières, aujourd’hui, les nazis qui ont assassiné nos parents… y’ sont tous morts…
– Et voilà ! J’ai encore raté l’occasion ! C’est ça mon drame. Pendant le Shoah j’étais trop petit pour me battre et aujourd’hui qu’il y en a qui veulent nous faire la peau, je suis trop vieux pour courir. J’ai tout faux ! »

« Je trouvais une certaine vérité à ces conceptions archaïques selon lesquelles les problèmes d’une femme, qui refuse les relations sexuelles, ou d’un homme qui ne parvient pas à trouver une épouse ou qui se révèle impuissant le jour de ses noces, seraient signe de la présence d’un tiers, d’un autre, d’un rival, véritable ou imaginaire… Je commençais à trouver intéressante la théorie du dibbouk. Je pourrais peut-être l’utiliser pour soigner ma patiente.
Grégoire poursuivait :
– Souvent le dibbouk prend possession d’un proche : sa veuve, son fils, sa fille, sa fiancée, un descendant… S’il le rend malade, s’il l’empêche de vivre, ce n’est pas par méchanceté, mais par une sorte de nécessité logique. !
– Passionnant ! Et comment soigne-t-on un tel mal ?
– Autrefois, des rabbins guérisseurs étaient « habilités ».
– C’est le mot que le vieux n’arrêtait pas de prononcer. Il disait qu’on n’était pas « habilités ». Forcément, je ne suis pas rabbin. Vous non plus, Grégoire.
Il sourit.
– Ah non ! Les rabbins habilités prenaient en charge le ou la possédée. Ils découvraient d’abord l’identité du dibbouk dont la communauté avait gardé la mémoire. Puis, ils lui demandaient ce qu’il avait laissé en jachère, ce qu’il fallait réparer pour le libérer. La Shoah a englouti tout ce monde : les malades et leurs guérisseurs, les communautés où était déposée la mémoire des disparus. »

Toutes les vies / Rebeka Warrior

Ce premier roman au style épurée de l’artiste Rebeka Warior est une véritable claque.

Elle raconte le cancer et la perte de Pauline, sa compagne. Son récit est entrecoupé de lettres et d’extraits de ses carnets, de 2013 à 2023.

Elle raconte les soins, l’hôpital, la souffrance, le corps qui change, sa présence auprès de Pauline, son sentiment d’étouffer par moment. Elle livre ses états d’âme sans tabou, dans un langage familier et cru. On ressent certes la douleur de la perte mais surtout beaucoup d’amour. Pour essayer de continuer à vivre sans Pauline, elle fait différentes expériences qu’elle relate. Elle pratique le zen, la méditation. Elle établit des listes et des règles d’une méthode expérimentale pour ne pas sombrer dans la folie. Entre Berlin et la France, la drogue passe aussi dans sa vie.

Il y a de nombreuses citations d’auteurs dont on retrouve la bibliographie à la fin du livre : Marc Aurèle, Simone de Beauvoir, Hervé Guibert, André Gide, Hermann Hesse, Édouard Levé, Thomas Mann, Jean-Jacques Rousseau, Jean-Paul Sartre, Anton Tchekhov. « Vivre vite » de Brigitte Giraud joue aussi un rôle dans son deuil. Toutes ces citations parsemées m’ont donné envie de (re)lire ces textes.

Un livre très humain et sensible sur le deuil de la femme aimée. Si vous aimez les ovnis littéraires ou les autofictions sans langue de bois, ce texte devrait vous plaire !

Ce roman a reçu le Prix de Flore 2025. Une belle entrée en littérature pour Rebeka Warrior.

Je remercie Netgalley et Stock pour cette lecture

Note : 4.5 sur 5.

Incipit :
« Pauline et moi étions amoureuses depuis de nombreuses années. »

« C’est très dur ce que j’écris ici, mais je ne sais pas à qui confier ces horreurs et il faut pourtant que je les formule. Je n’écris pour personne. Je ne tente pas de faire la poète ou la maligne. Les mots je m’en débarrasse seulement. »

« Parfois on entend des gens dire « quand je ne pourrai plus marcher ou plus me torcher le cul seul, je me tuerai, je ne serai un poids pour personne, je saurai dire stop, je serai digne. »
Je pense au contraire que quand on est dos au mur, on choisit la vie… même misérable.
Il était déjà loin le « il faudra me tuer ». »

« Ce carnet sent si fort la mort que j’ai parfois du mal à le rouvrir. Pas du tout envie d’écrire, mal au dos. »

« Sur mon poignet droit, je venais de me faire tatouer « Toutes les vies », en référence à Tchekhov. J’ai alors vu mon pouls battre avec beaucoup de délicatesse sur le mot « vies ». »

« Le set débutait par un morceau de Scout Niblett que Pauline et moi adorions.
Nous avions trois chansons à nous : Scout Niblett, « River of No Return ». La Chatte, « Rien », le remix de Claude Violante. Brigitte Fontaine, « Diabolo ». »

« J’apprenais le Maka Hannya Haramita Shingyo, qui est un texte fondamental du bouddhisme Mahãyãna.
Je vous le mets ici car je trouve qu’il a une certaine puissance libératrice. »

« La souffrance était devenue partie prenante de la pratique, je faisais avec, je m’habituais.
C’était une question d’effort et de répétition – de résignation – comme dans la vie. »

« Je relus Hesse, Siddhartha, tout indiqué dans ma quête spirituelle, puis j’eus le coup de foudre pour La Montagne magique de Thomas Mann.
Le livre raconte l’expérience de Hans Castorp, en cure au sanatorium de Davos.
Celui-ci est atteint d’une pathologie qui affecte tant le corps que l’esprit et reste sept ans dans le « monde d’en haut », tissant un lien de séduction avec la mort et transformant sa vision du monde.
J’avais l’impression d’être moi aussi au sanatorium, toujours fatiguée, avec une maladie similaire.
Tour à tour je changeais d’établissement de santé, une cabane, un temple, un appartement berlinois. »

« Nous avions réussi à faire ce disque et c’était énorme pour moi.
ça voulait dire que je pouvais transformer ma peine en quelque chose.
Je pouvais me transformer en quelque chose.
En nonne ? En chanteuse ?
En poète ? En dépressive ?
En sourde ? En croyante ?
En meurtrière ? En voyante ?
En amie ? En amante ?
En spirite ? En vocabulaire ?
En poussière ? En cauchemar ?
En bouddhiste ? En folle ?
En Allemande ? En tuberculeuse ?
La vie m’offrait tous les chemins. »

« J’arrivai la peau sur les os et le visage émacié.
On voyait littéralement sur ma tronche et mon corps les stigmates de la fatigue, de la dépression, de la folie, de l’adultère, du deuil et de la rupture.
J’étais très pâle avec sous l’œil droit ma vallée des larmes qui s’était encore creusée.
J’avais perdu tous mes muscles, j’étais molle, j’avais même perdu mes seins, ils tombaient comme des petits gants de toilette.
J’avais fait un reset, je repartais de zéro. »

« J’étais devenu Rebeka Eino Warrior.
Mi-punk, mi-bodhisattva.
Mi-folle, mi-sage.
Mi-junkie, mi-saine. »

Nourrices / Séverine Cressan

J’ai été totalement embarquée dans cette histoire où les sens sont en éveil. J’ai tourné les pages avidement pour savoir ce qu’il allait advenir des personnages, tellement attachants, notamment Sylvaine.

Le roman se déroule principalement à la campagne. A une époque difficile à dater, entre le Moyen âge et le 19ème siècle. Peu importe, à l’instar des contes, c’est l’histoire qui nous intéresse.

Sylvaine vient d’avoir son premier enfant, Jehan. Comme beaucoup de femmes autour d’elle, elle devient nourrice pour gagner un peu d’argent. Elle peut soit accueillir un bébé de la ville pour l’allaiter, soit se rendre à la ville pour être nourrice dans une famille mais elle ne pourra pas s’occuper de son enfant et devra le confier. Les bourgeoises n’allaitent pas. Les hommes décident de tout y compris du corps des femmes.

Il y a aussi les bébés abandonnés ou les « Trouvés », déposés à la Tour dans une boîte. Le lait rapporte moins dans ce cas. Une fois son certificat acquis après une visite médicale, Sylvaine reçoit une petite fille de la ville, Gladie. Elle s’attache à ce petit être qu’elle allaite alors qu’il n’y a aucun lien de sang entre elles.

Et puis il y a une deuxième voix à travers un journal. Mais je ne peux pas en dire davantage sans trop en dévoiler. En tout cas Sylvaine ne sait pas lire et ne peut pas lire ce journal. Les lecteurs découvrent des éléments dont Sylvaine n’a pas connaissance.

Ce livre parle de maternité, il y a des scènes d’accouchement très viscérales. La vieille Margot aux allures de sorcière est présente pour les accouchements de Sylvaine. Les différents éléments interviennent au fil des pages : la lune, la terre, le feu et le vent. Un peu de merveilleux souffle par moment. La description de la nature est magnifique. D’ailleurs la nature est un personnage à part entière.

Le trafic du lait maternel est une histoire méconnue pour ma part. Séverine Cressan met en lumière les nourrices, ces femmes invisibilisées. J’ai trouvé ce livre très poétique. Il a des allures de fable éco-féministe avec la fin notamment. Il met en avant la transmission des savoirs entre les femmes. Il est à la fois tendre et plein de révolte.

Ce premier roman est une réussite. Les éditions Dalva ont encore déniché une pépite en cette rentrée littéraire.

Replay et podcast de la rencontre VLEEL à venir.

Note : 5 sur 5.

Incipit :
« C’est nuit de lune pleine.
Roux, colossal, aussi rond qu’un ventre sur le point d’enfanter, l’astre flotte bas dans le ciel couleur d’ardoise. Une brime épaisse recouvre la plaine comme un châle, se masse dans les replis du relief, s’effiloche à l’orée de la forêt. Dans le creux de la vallée se niche le village endormi, masqué par le voile blanchâtre, nébuleux. Seule la ramure imposante d’un chêne centenaire émerge du brouillard, île de verdure entourée par la ronde des toits qui se serrent. »

Le désir dans la cage / Alissa Wenz

J’avais découvert Alissa Wenz avec la sélection du Prix Orange 2022, depuis je suis ses publications. Ce roman raconte la vie de Mel Bonis, compositrice, née en 1858 et décédée en 1937. L’autrice étant elle-même musicienne, compositrice et interprète, le choix de ce portrait me paraît tout naturel.

On découvre ainsi la vie de Mélanie, depuis son enfance jusqu’à ses derniers jours. Ses parents refusent dans un premier temps qu’elle prenne des cours de piano car cela coûte cher. Puis quand on leur dit que savoir jouer du piano est un atout quand on cherche à faire un bon mariage, ils l’inscrivent. Elle s’épanouit dans l’étude de la musique. Douée, elle intègre le conservatoire où elle rencontre le chanteur Amédée-Louis Hettich. Un amour réciproque naît entre eux. Quand Amédée formule sa demande de mariage, les parents de Mélanie lui répondent que ce ne sera pas possible. Ils veulent mieux pour leur fille. Elle est obligée d’arrêter le conservatoire et d’épouser un homme riche, de 20 ans son aîné.

La vie l’éloigne et la replonge dans la musique au fil des événements. Sa passion pour la musique et la composition est source de bonheur et d’émancipation. Son désir pour Amédée brûle encore et toujours.

J’ai été gênée dans ma lecture au début par le tutoiement de la narratrice s’adressant à son personnage féminin. Puis je me suis habituée. Et j’ai trouvé que l’utilisation de ce pronom renforçait les moments de désir et de tourment de Mélanie.

Un beau portrait de femme de la fin du 19ème siècle qui s’indignait de la place réservée aux femmes dans ce monde dirigé par des hommes.

J’ai eu envie d’écouter la musique composée par cette artiste que je ne connaissais pas. Une belle découverte grâce aux Avrils et à Alissa Wenz.

Note : 4.5 sur 5.

Incipit :
« Tu regardes le visage glacé de la petite fille. Elle ne respire plus, c’est fini.
Tout est silence autour de toi.
Tu comprends. Ça ne sera plus jamais. Clémence Bonis, plus jamais. Ses boucles brunes, muettes. La robe blanche, les dentelles. Le corps de porcelaine, étendu sur le lit. Les lèvres toutes fines, pâles, plus jamais.
Clémence est morte. Une main adulte lui a fermé les yeux. La bouche reste étrangement ouverte, comme une promesse qui n’aurait pas eu le temps d’être formulée.
C’est un matin de l’année 1864, à Paris. »

« On t’a laissé le piano, on t’a laissé la musique. La beauté commence à fleurir dans le cercle, dans la cage, et peut-être suffira-t-elle à ton bonheur. »

« Tu es seule dans la rue, blottie dans ton long manteau au col serré, aux manches bouffantes, et tu regardes les nuages. Tu te demandes comment tu as pu vivre aussi longtemps sans cela. Tu te demandes si l’on pouvait appeler cela ainsi, vivre, tu te demandes si tu étais vivante. Il te semble que la musique est l’autre nom de la vie même, l’autre nom de ta vie, et que tu l’avais tout simplement oublié. A l’angle de la rue de Marivaux, tu passes devant le Café Anglais, si prisé des Parisiens. Des hommes y sont attablés en foule, vêtus de noir, sirotant absinthes ou cafés, lisant journaux, fumant cigares. Ils se ressemblent. Seulement des hommes, toujours des hommes, des hommes qui se ressemblent. Dans la rue, dans les cafés, partout. Tu te demandes où sont les femmes. Où elles se cachent, où elles se meurent. Tu penses à Mel Bonis, que tu as vue renaître aujourd’hui. Tu arpentes le boulevard des Italiens, et tu déplies le papier qu’Amédée t’a remis, son nouveau poème.
Je n’ai point désappris le charme et la douceur
De me guider à toi dans la nuit des années
 »

Seul l’océan pour me sauver / Samantha Hunt

Une jeune américaine de 19 ans vit au bord de l’océan avec sa mère et son grand-père. Elle se croit sirène. Elle est amoureuse de Jude, plus âgé qu’elle, qui refuse d’être son amoureux.

Son père a disparu. Le deuil est difficile. Elle veut croire qu’il peut revenir. Ses grands-parents sont typographes. Les mots sont importants dans le roman. La jeune femme revient souvent à la racine des mots, aux définitions.

Jude, de retour de la guerre d’Irak, est hanté par la violence vue et vécue. L’alcoolisme et la condition sociale des habitants de cette petite ville américaine de pêcheurs figurent également parmi les thèmes de ce livre. Une question revient sans cesse pour la narratrice indécise, faut-il rester ou partir ?

J’avoue n’avoir pas tout compris de ce roman mais cela ne m’a pas empêché de le lire jusqu’au bout et de l’avoir apprécié. Il peut y avoir plusieurs interprétations possibles. Je l’ai trouvé très poétique. Il est teinté de réalisme magique et de fantastique. Quelques passages sont écrits à l’envers (en mode miroir).

A lire si vous aimez découvrir des univers littéraires, à la fois étrange et ensorcelant !

Je remercie les éditions du Gospel et VLEEL pour cette lecture qui élargit mes horizons littéraires ❤

traduit de l’américain par Alex Ratcharge
postface de Maggie Nelson

Note : 4 sur 5.

Incipit :
La carte : un prologue
Ici l’autoroute ne part que vers le sud. C’est dire comme on est au nord. Peu de routes quittent la ville, ce qui explique pourquoi si peu de gens s’en éloignent. Les choses qui ne nous sont pas familières sont loin d’ici et aucune voie directe n’y mène. Tout ce qu’on a, c’est une rue qui donne sur une rue qui passe sur la digue jusqu’à une route qui mène à un pont aboutissant sur une route puis sur une autre avant d’atteindre l’autoroute.
Si tu tentes de partir, des gens que tu auras côtoyés depuis ta naissance reconnaîtront ta voiture et te verront t’en aller. Ils se demanderont où tu vas et te gratifieront d’un petit signe de main, un signe qui ressemblera à un « stop » ou à un avertissement à quiconque tenterait d’oublier cette toute petite ville. Ce sera beaucoup plus simple de rester.

« Je ne viens pas d’ici, pas vrai ? » je demande à ma mère tandis qu’elle resserre la ceinture de son peignoir. Je ne veux pas venir d’ici parce que la plupart des habitants de cette ville me considèrent comme une pourriture ou un champignon vénéneux qui risquerait d’infecter leurs caves. Je suis le vilain petit canard de cette ville. Je suis leurs cœurs qui moisissent.
Ma mère entrouvre son peignoir pour révéler l’élastique de sa culotte rose et son nombril. Il est écarquillé et rond comme une bouche d’égout. « Regarde », dit-elle en me montrant son ventre comme si c’était une preuve. « C’est de là que tu viens, voilà dix-neuf ans. »
« Papa disait que je venais de l’eau. »
« Voilà qui serait très original. »
Ma mère hésite souvent entre s’autoriser à être elle-même ou demeurer ma mère. Cette bataille mentale est parfois visible, comme si deux têtes lui sortaient du cou. Ces deux têtes se chamaillent comme des sœurs.

« Comment ça se fait qu’on ne se connaisse pas ? » ai-je demandé. Normalement, la ville est assez petite pour que tout le monde se connaisse.
On a regardé l’eau entre nous. « Je ne sais pas », a-t-il répondu. « Mais maintenant tu me connais », a-t-il ajouté et on a regardé l’eau entre nous se précipiter vers le large et je jure que j’ai vu l’océan se remplir de mots, comme si Jude saignait toutes les choses qu’il ne pouvait dire à personne parce que ça risquait de le tuer.

On a deux pièces qui servent de bibliothèques avec deux systèmes d’organisation distincts et incompatibles, celui de ma mère par sujet, celui de mon grand-père par ce qu’il ressent pour l’auteur : Animosité, Bonheur, Curiosité, Dégoût, etc. Des piles en cachent d’autres. Un jour, l’enfant d’un voisin a eu le bras cassé quand l’une de ces piles lui est tombée dessus.

Pour comprendre la façon dont une vague scélérate se détache de l’océan, imaginez que vous êtes e, train de lire un livre et que vous êtes arrivé à une certaine page, mais imaginez que, lorsque vous en êtes arrivé à cette page, au lieu d’être large de douze centimètres, elle est large de soixante mètres. Tellement large qu’au moment où vous tournez la page, elle vous écrase, vous broie sous son poids. Vous n’atteindrez jamais la page 41.

Ma mère est une petite femme d’un mètre cinquante. C’est quelqu’un de fort, mais ses os sont très fins et parfois, quand je la serre dans mes bras, je sens son cœur battre dans sa poitrine comme si c’était un insecte piégé à l’intérieur d’une lampe.

Elle était encore très douée pour se taire quand elle a rencontré mon père. C’est là qu’elle s’est rendu compte qu’elle avait accumulé le silence dans un fin et délicat pot en verre caché dans sa cage thoracique. Le pot n’avait pas de couvercle alors elle devait toujours faire très attention à ne pas le renverser.

Tant que mon grand-père n’a pas fini son dictionnaire, ce qui n’arrivera sans doute jamais, le plus gros dictionnaire au monde reste l’Oxford English Dictionary. Il est énorme. On ne l’a pas. Il vaut trop cher. On en a juste une version condensée. La couverture est bleu marine. J’y ai cherché le mot navy (marine) et j’ai découvert qu’il partageait des racines avec nausea (nausée) et navel (nombril), du sanskrit na ou sna ou snu. Quand on déroule ainsi le langage, il se met à ressembler aux câbles blancs d’un cerveau en morceaux. Dérouler certains mots peut se révéler dangereux. Jude n’était pas dans la marine. Il était dans l’armée, army, et army vient de ar : être à sa place, s’enrôler, voir art, voir inertie, dixit le dictionnaire.

Des scientifiques sont venus en ville pour nous étudier parce qu’on a le taux d’alcoolisme le plus élevé du pays. Plus élevé, disent-ils, que dans les réserves amérindiennes de l’ouest, plus élevé qu’en Floride, qu’au Texas, qu’en Louisiane ou que dans tout autre État à la noix.

Je rouille / Robin Watine

Noé passe l’été entre la plage avec Léna et le restaurant de son père où il travaille comme serveur pendant les vacances. Léna, c’est une parisienne, une bourgeoise. Elle est belle, cultivée, intelligente, sûre d’elle. Elle est à l’aise contrairement à lui. Elle le trouve beau. C’est son amour de vacances. Il s’étonne et s’émerveille de la trouver à côté de lui, à lui sourire. C’est leur avant-dernière journée ensemble. Léna repart bientôt chez elle pour la rentrée.

Il y a le groupe de 4 filles, parisiennes. Et celui des 4 garçons du coin. Ils se retrouvent le soir au bar de la plage puis autour d’un feu. La différence de condition sociale entre les filles et les garçons est très marquée.

Noé est amoureux mais n’ose pas avouer ses sentiments de peur d’être moqué et que ce ne soit pas réciproque. Pas toujours évident de se comprendre entre garçons et filles. Et puis le dernier jour des vacances, un événement le bouleverse davantage.

On se retrouve plongé dans les pensées d’un ado qui doute beaucoup. Il pense souvent au sexe. Il fume du shit. Il boit beaucoup avec ses potes. L’un d’eux, Lionel, le pousse dans des plans qu’il n’approuve pas mais il n’ose rien dire. Il a toujours l’impression d’être dans un rôle. Il se rend compte qu’il grandit.

Le titre est explicité dans le roman. Léna lui demande s’il ne voudrait pas aller ailleurs et ne pas « rouiller » sur place. Avec un langage ado, nerveux, tourmenté, parfois cru, ce court roman de 150 pages est bien écrit. Je l’ai dévoré. J’ai trouvé qu’il a une voix unique et particulière.

Je me demandais comment ça allait se finir, j’avoue avoir été un peu déçue par la fin mais je trouve que c’est tout de même un premier roman très prometteur. A découvrir si vous aimez les romans sur les ados et que leur langage cru ne vous déroute pas.

Note : 4.5 sur 5.

Incipit :
« Le soleil, il tape moins fort. J’ai plus besoin de plisser les yeux comme un con pour regarder Léna. Ça fait ressortir mon bronzage, et avec le sel et le vent, je sais pas, ça fait un bon mélange et mes cheveux, ils sont comme je les aime. Et si je les aime comme ça, c’est surtout que Léna m’avait dit une fois que ça me rendait plus beau et que ça me donnait un air plus farouche. Je savais pas trop ce que ça voulait dire, mais j’avais déjà entendu ce mot et je crois que je comprenais un peu le sens au fond. De toute façon je m’en foutais, l’important c’est que ça me rendait plus beau. Et y a qu’à voir comment elle me regardait en disant ça.
Léna, son regard il ment jamais, et quand elle me trouve beau elle le dit soit avec la bouche, soit avec les yeux. Moi je dis jamais des trucs comme ça, et encore moins quand je les pense. Mais ça Léna, elle s’en fout. Elle a pas besoin que je lui dise pour le savoir, qu’elle est belle. »

« Pourquoi chaque fois que je dois dire ou faire quoi que ce soit, je passe toujours par quatre chemins, et encore plus que ça ? La vérité c’est que la plupart du temps j’ai même pas le temps de trouver ça bizarre de penser autant, tellement je suis occupé à tout faire pour que ça se voie pas. »

« J’ai un peu honte de ne pas être capable de juger une musique autrement qu’à travers ce que les autres en disent. Lire tout à travers les yeux des autres, comme s’ils savaient tout mieux que moi. Faire semblant de savoir autant qu’eux. Comme si j’étais un humain de moins bonne qualité et que mes cinq sens, et tout ce qui me permet d’avoir des goûts, étaient pas fiables. Comme si je pouvais pas simplement sentir, écouter, regarder les choses, et faire confiance à mon cœur pour en juger. Est-ce qu’il faut être entraîné pour prendre goût aux belles choses ? J’ai pas de réponse, et toute façon j’ai réponse à rien. Mes pensées et tout ce qui me passe par la tête, c’est qu’une succession de questions, et le soleil, j’ai l’impression qu’à part me blondir les cheveux, il me crame aussi pas mal la cervelle. »

« – T’as pas envie de partir, parfois ? elle me demande après m’avoir encore un peu regardé en silence.
– Comment ça, partir ?
– Partir d’ici. Aller vivre ailleurs… ça te dit rien ?
– Je suis bien ici, je vois pas pourquoi je partirais.
– Je sais pas, pour découvrir autre chose. Ici, il se passe rien, non ? C’est cool pour les vacances, mais après… ça rouille quoi.
– Qu’est-ce qui rouille ? Je lui demande.
– Je sais pas, les gens.
– Les gens, ils rouillent… je dis avec ironie, en comprenant sans comprendre, mais en comprenant quand même un peu.
– Bah ouais, ça vole pas haut, quoi. Même tes potes, j’suis désolée mais au final si vous êtes amis c’est surtout parce que vous habitez à côté et qu’il y a que vous. En vrai, c’est surtout que vous avez pas trop le choix. Franchement, j’ai toujours pas compris ce que tu fous à traîner avec un mec comme Lionel…
J’aurais bien envie de l’envoyer chier, mais je sais qu’il y a que la vérité qui blesse, alors je dis rien. Et je me demande ce que ça peut bien lui faire que je rouille ou pas. Léna, elle vient, elle part et ce que je fais de ma vie entre les deux, ça change rien à la sienne. »

« […] et ça m’avait fait du bien de me dire qu’en fait y a peut-être pas que moi qui passe ma vie à jouer des rôles et à faire croire aux autres que rien me touche et que ça me paraît normal de grandir. »

« Comment elle pourrait aimer quelqu’un qui passe sa vie à rouiller comme un ancre au fond de l’eau ? Je suis jamais qu’un mec qui essaye d’en être un autre, et même plein d’autres à la fois. Qui fait tellement tout pour se fondre dans le décor qu’on le distinguera bientôt plus des rochers et des pins parasols. »